





Richard Samuel, le coordonnateur national des États généraux, était de passage à la Martinique en fin de semaine dernière. Il a tiré un premier bilan globalement positif des États généraux à la Martinique.
Deux mois après le lancement des États généraux, le soufflé tient-il encore ?
Richard Samuel : Je crois que le soufflé tient bien, et qu'il est appétissant. Les propositions qui émanent des quarante réunions tenues depuis l'ouverture sont intéressantes. Après un débat riche et porteur, nous devrons construire vers la fin juillet un projet territorial collectif.
Ce sont surtout les experts qui ont avancé des idées lors de ces débats. Le public, peu...
Richard Samuel : L'exercice consistait au fond à demander à des Martiniquais d'encadrer un exercice d'intelligence collective. Je crois pouvoir dire qu'ils y ont réussi. L'atelier gouvernance a drainé énormément de monde. D'autres ateliers aussi. La population a participé et porté ses opinions. Il y a eu de bonnes contributions, comme celle initiée par la rectrice d'académie où des lycéens et collégiens ont travaillé sur les sujets qui les intéressaient. Il y a d'autres contributions de ce type et c'est cela qui nourrit l'idée d'un projet largement partagée par la population.
Pourtant, ces derniers jours, le soufflé est retombé...
Richard Samuel : À charge pour nous de renouveler la formule. J'ai suggéré au coordonnateur local, M. de Saint-Germain, d'adopter la formule utilisée en Guadeloupe : celle des villages des États généraux. Il s'agit d'aller au- devant de la population, dans les quartiers, sur une place publique, avec une table, et de l'inviter à dire ce qu'elle attend, de l'écouter formuler ses propositions. Cette expérience a rencontré un grand succès...
« On ne fait pas grève aussi longtemps uniquement sur des revendications de salaire et de baisse des prix. »
Vous avez programmé un atelier sur la gouvernance. Or cette thématique n'a jamais été abordée comme telle par les participants...
Richard Samuel : Croyez-vous ? Je crois quand même que la gouvernance a été sous-jacente dans bien des domaines. Je prends par exemple le sujet des prix. Il y a eu une vraie interrogation sur le mode de régulation en matière de prix. Nous appliquons les règles cardinales de libre concurrence. Nous aurons donc à nous interroger sur l'application à la Martinique de ces règles qui déterminent le fonctionnement du marché. Comment les appliquer à une économie insulaire ?
Mais au fond, ce qui préoccupe les Martiniquais, c'est la gouvernance la plus simple. Je prends l'exemple du transport. Il faudra aborder le champ des compétences des collectivités et cerner le champ d'intervention de l'une ou l'autre. Nous vivons tous les difficultés des embouteillages et nous sommes concernés par le sujet. De même, l'eau a suscité des questions et des réflexions.
La gouvernance n'est-elle pas le domaine où les propositions attendues pourraient débloquer bien d'autres situations ?
Richard Samuel : Sans occulter le fait que la réflexion sur ce thème pourrait donner quelque chose de très positif, je crois très sincèrement, de manière plus large, que ce qui se dira au- delà du dialogue social, sur l'amélioration de la négociation collective par exemple, nourrira un comportement nouveau, un fonctionnement autre. C'est un sujet important dont nous devrions voir les effets rapidement.
Sur le fond, quelles réponses les États généraux peuvent apporter à l'ensemble des problèmes soulevés ?
Richard Samuel : La réponse est simple : le changement de comportement. En matière de consommation, l'augmentation des revenus est un premier élément. Le deuxième est la diminution des prix, et le pouvoir d'achat augmente. C'est simpliste me direz-vous, mais c'est une première réponse que nous devons apporter à la crise que nous avons connue. Mais croire que cela suffirait serait une victoire à la Pyrrhus. Le plus important est le rétablissement de la confiance... Donc, changement de comportement et réflexion sociétale de fond...
Le thème de l'identité semble susciter quelques réserves, voire de la retenue. Est-ce le rôle de l'État de le proposer comme thème de réflexion au sein des États généraux ?
Richard Samuel : Il y a une qualité de réflexion ici à la Martinique que bien des départements vous envient. Une crise comme vous l'avez vécue ne peut être traitée en quelques semaines. Elle ne se résume pas à des demandes d'augmentation de salaire et de baisse des prix. Si d'aucuns croient que l'on fait grève pendant 39 jours, ici, et 45 jours en Guadeloupe, sur ces revendications seulement, ils se trompent lourdement. C'est beaucoup plus profond que cela. Nous avons mis en place les États généraux justement pour tenter d'aller au fond des choses. Et nous constatons, malgré les réticences du début, que cela est utile. Que le moment de la parole est salutaire, que les échanges se font dans le respect, la dignité et l'écoute.
« Légitimer les propositions par un débat public, avant la restitution nationale. »
Ces ateliers, est-ce un « exercice de catharsis » comme le disait un des intervenants lors d'une réunion ?
Richard Samuel :... (Temps d'arrêt). Je préfère parler d'exercice d'intelligence collective.
Est-ce que les relations entre la France et l'Outre-mer vont profondément changer ?
Richard Samuel : Elles seront bouleversées, rénovées, oui! Profondément changées, non!
Cela laisse entendre que le système actuel, la départementalisation, n'a pas fait faillite comme on pourrait le penser ?
Richard Samuel : Le président de la République a bien précisé que le système né en 1946 paraissait avoir atteint ses limites. Toutefois, le système de santé, le système éducatif, la démocratie politique, ne peuvent être remis en cause radicalement. Si nous avons le souhait d'améliorer le cadre dans lequel nous sommes, nous devons en discuter ensemble.
C'est ce que nous dira Nicolas Sarkozy le 25 juin prochain ?
Richard Samuel : Je ne sais pas si c'est le 25, j'attends confirmation du calendrier (sourire). Ce qui est clair, c'est que les travaux ne seront pas achevés. Il prendra acte de l'avancement de la réflexion. Je crois qu'il ne faudra pas faire l'impasse sur un moment important : la restitution des propositions. Il faut qu'elles soient légitimées par une prise de connaissance en public, par un débat, une discussion. Nous prendrons le temps nécessaire pour cela, avant la restitution nationale.
Si un élément doit être retenu de ces États généraux, quel est-il ?
Richard Samuel : La participation des Martiniquais à cette réflexion collective.
Une chose à revoir ?
Richard Samuel : Ici, je n'ai pas de préoccupation. Il y a un sens démocratique très fort et très visible pendant les échanges. De vrais échanges démocratiques entre personnes d'opinions différentes. Et comme je pense que les territoires qui se développent ne sont pas forcément ceux qui détiennent les matières premières, mais ceux où il y a adhésion à un principe de développement commun, je n'ai pas trop de souci pour la suite.
Qu'est-ce qui mériterait une réflexion plus longue, au-delà de la restitution nationale ?
Richard Samuel : Il y en a beaucoup. Honnêtement, je crois que nous ne nous arrêterons pas après le conseil interministériel. Il faudra un suivi, une évaluation de la mise en oeuvre des mesures et dispositions. Il faudra un ensemble coordonné, et le souci de poursuivre ensemble ce qui a été conduit jusqu'ici. Maintenir ce souci du travail en commun. Je pense qu'il n'y a pas de réponse unique comme il n'y a pas de cause unique. Et la vraie interrogation est de savoir si nous voulons faire ensemble ce que nous avons décidé ensemble.
Propos recueillis par Gabriel GALLION.
Interview publiée sur France-Antilles Martinique le 15/06/2009.